Données, dialogue et détermination : un jeune chercheur réinvente les systèmes alimentaires en Inde
Pour Alokita Jha, la nourriture n'est pas seulement un moyen de subsistance, c'est aussi une histoire, une science et une stratégie.
Basée en Inde, Alokita contribue à façonner l'avenir des systèmes alimentaires mondiaux, non pas depuis un ministère ou un siège social, mais à la croisée de la recherche, de la narration et de la défense des jeunes. Elle est à la fois data scientist, porte-parole politique et mobilisatrice communautaire, un nouveau type de leader dans un domaine où les jeunes ont longtemps été considérés comme des acteurs futurs plutôt que comme des acteurs actuels.

Actuellement Data Fellow au sein du Capacity Accelerator Network (CAN) – hébergé par l'Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) South Asia et basé à l'International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics (ICRISAT) – Alokita travaille sur des ensembles de données massifs qui permettent de suivre les interactions entre le climat, l'agriculture et la santé. Son objectif : rendre la science utile aux décideurs et significative pour les communautés.
« Il ne s'agit pas seulement de publier des résultats », explique-t-elle. « Il s'agit de transformer les données en quelque chose qui aide les gens à faire de meilleurs choix, en particulier dans les endroits où la vulnérabilité est la plus forte. »
Le parcours d'Alokita dans ce domaine a commencé sur le terrain. Lorsqu'elle était étudiante diplômée, elle a travaillé avec des communautés tribales réinstallées et a été témoin de la façon dont les chocs climatiques et la mauvaise alimentation déstabilisaient à la fois les moyens de subsistance et l'identité des populations.
« Cette expérience a changé ma perspective. J'ai réalisé que les systèmes alimentaires ne sont pas seulement des problèmes techniques, mais aussi sociaux, écologiques et profondément personnels. »
C'est ce sentiment d'appartenance, dit-elle, qui l'a ensuite attirée vers le Programme de leadership pour les jeunes (YLP), soutenu par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement. Grâce au YLP, elle a découvert des outils tels que la cartographie des politiques et la planification de scénarios, mais surtout, elle a appris le pouvoir de la narration.
« Les chiffres sont importants, mais ce sont les histoires qui touchent les gens », explique-t-elle. « Le YLP m'a aidée à comprendre comment combiner les faits et les émotions de manière à influencer à la fois les communautés et les décideurs politiques. »

C'est une compétence qu'elle met désormais à profit dans plusieurs domaines. En Inde, Jha s'efforce de créer une section nationale du Forum alimentaire mondial, afin d'offrir aux jeunes un espace où ils peuvent participer à la transformation des systèmes alimentaires. Ce modèle associe recherche, plaidoyer et engagement public, et permet aux jeunes de contribuer à la définition des priorités nationales en matière d'alimentation et d'agriculture.

En 2024, elle a occupé le poste de point de contact pour YOUNGO, le groupe de jeunes participant aux négociations climatiques des Nations unies, représentant la voix des jeunes à la COP29 et dans d'autres forums. Son message est clair : les jeunes du Sud ne doivent pas seulement être inclus, ils doivent contribuer à définir l'ordre du jour.
« Les jeunes jouent déjà un rôle de premier plan dans nos communautés », a-t-elle déclaré. « Nos connaissances, en particulier dans les régions vulnérables au changement climatique, sont essentielles. »
Pourtant, faire le lien entre la science et la politique n'est pas sans difficultés. Les données peuvent être complexes. L'élaboration des politiques est lente. Et le fossé entre les cadres mondiaux et les réalités locales est souvent large. Mais Alokita ne se laisse pas décourager.
« J'essaie de développer des solutions en collaboration avec les acteurs locaux : co-créer des indicateurs, poser de meilleures questions, faire comprendre la science », explique-t-elle. « Il s'agit de concevoir des recherches qui soient réellement utilisables sur le terrain. »
Lorsque le travail lui semble difficile, elle puise sa force dans la résilience des communautés avec lesquelles elle travaille et dans l'énergie du mouvement des jeunes dont elle fait partie.
« Le changement est lent, mais il est en marche », dit-elle. « Et il est mené par des personnes qui croient en un avenir meilleur. »
C'est cette conviction qui la motive : l'idée que les systèmes alimentaires peuvent être équitables, que les politiques peuvent s'appuyer sur des expériences vécues et que la science, lorsqu'elle est associée à des récits humains, peut véritablement transformer la façon dont nous nourrissons les populations et la planète.
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Programme de leadership des jeunes dans le domaine des systèmes alimentaires